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Marcel Larmet, 60 piges, « met l’ambiance » sur tous les chantiers de fondations spéciales d’Ile de France depuis 40 ans. Il a vécu l’évolution de la banlieue parisienne et témoigne pour nous des changements dans le 93 et des sacrifices de la vie de chantier.

 

Portrait - Par Benjamin Leiba et Che Eduardo Lemiale – 18 Octobre 2016

 

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Aubervilliers, 11h50 - C’est la pause déj’. L’équipe d’ouvriers du chantier de "Front Populaire"attend patiemment que les trois kilos de côte de bœuf finissent de cuire sur le barbec’. Tous sont déjà installés dans le préfabriqué qui leur sert de cantine le midi, sauf Marcel qui a trainé.

 

Marcel entre avec son treillis bleu et ses bottes pleines de boues. C’est Marcel le chef du chantier du futur immeuble d’habitation de la rue du pilier à Aubervilliers. Il appelle tous ses collègues maghrébins « cousin ». Lui-même est né de l’union d’un père kabyle et d’une mère française et revendique fièrement ses origines.  Son adolescence, il l’a passé à Dugny, en Seine-Saint-Denis dans les années 70.

 

L’adolescence en banlieue

 

« À l’époque, on était des jeunes délinquants, on n’était pas des tendres, hein ! », lance-t-il un verre à la main.

Ses collègues tendent l’oreille et l’écoutent parler de sa jeunesse en Seine-Saint-Denis.

 

Il raconte sa jeunesse dans sa cité de Dugny où la délinquance était quotidienne : vol de moto, de voiture, etc. Du respect pour la police, ses amis et lui en avaient, même s’il reconnait avoir été en guerre permanente avec eux. Quant au racisme, ils ne savaient tout simplement pas ce que c’était.

 

« Juifs, italiens, noirs, arabes, il n’y avait aucun problème », précise Marcel, visiblement nostalgique d'une époque révolue.

 

En tout cas, il n'y avait pas de violence comme on en voit actuellement. Il s’alarme de la recrudescence des armes de guerre dans les banlieues. Dans sa cité, c’était toujours avec les poings que ça se réglait.

 

« Maintenant, tu vas au Monoprix, tu peux t’acheter une kalash’ ».

 

L’évolution de son 9.3

 

Il se souvient du temps où il pouvait aller de Dugny à Stains à pied, coupant à travers les champs de petits pois, de maïs et de blé. Avec la vague d’immigration postcoloniale, sont apparus les bidonvilles, pour loger à la hâte toutes ces familles. Puis, les cabanes en tôle ont été remplacées par des tours et des écoles. Les champs ont laissé place au béton.

 

A ses yeux, le quartier Front Populaire a beaucoup évolué en terme d’urbanisme et de population. Avant les entrepôts d’import/export, il y avait les Assedic et l’ANPE. Autour, que des jardins pour cultiver des légumes et des petits immeubles. Il constate également l’arrivée massive de travailleurs asiatiques, qui s’intègrent dans une population principalement noire et arabe.

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Marcel, « le Neandertal » du chantier

Chef de chantier, une vie sans compromis

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En 40 ans de métier, il en a passé 20 sur les routes de France. Depuis sa banlieue parisienne, on l’envoyait sur les chantiers du Pas de Calais jusqu’à Marseille, de la Normandie à la Lorraine. Il rentrait chez lui le vendredi soir tard et repartait le dimanche en début d’après-midi. Au bout de 15 ans de déplacements, sa femme a demandé le divorce et ses enfants n’ont pas accepté ses absences répétées.

 

« Je ne revenais que le weekend, je ne les ai pas vu grandir ».

 

Une vie de chantier, de barbec’ et de franches camaraderies qui masque la difficulté des nomades comme lui, de construire et maintenir une vie de famille.

Pour autant, il aime toujours son métier, apprécie particulièrement le contact avec ses collègues et la diversité des chantiers. Marcel prend d’ailleurs le temps de nous expliquer avec passion le cycle de consolidation des sous-sols à la gélatine.

 

« Attention, pas comme dans les bonbons ! »

 

Ce n’est pas les 40 ans de dur labeur qui auront raison de sa bonne humeur. Sur ses chantiers, il est fier de l’ambiance qu’il insuffle. Il voit la jeune garde arriver et ne les imagine pas faire une carrière aussi longue dans la même entreprise.

 

« Je suis de la vieille école, eux n’ont pas la même vision des choses ».

 

C’est peut-être pour ça qu’on le surnomme le « Neandertal » sur le chantier.

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