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Avec les Loubavitch de Paris pour la fête des cabanes

Pour Vice Munchies, j’ai suivi des juifs fondamentalistes pendant leurs repas sous la « Soucca », une cabane traditionnelle plus ou moins mobile.

Du 16 à 24 octobre dernier, la communauté juive de Paris fêtait « Souccot » - aka la fête des cabanes - qui célèbre le coup de pouce de Dieu au peuple juif dans le désert pendant l'Exode. Comme tous les ans, les fidèles avaient le devoir de construire une cabane archaïque et de bouffer comme des rois dedans. Bon après - 21ème siècle oblige - on commande plutôt les cabanes à des TPE juives spécialisées dans le business, et elles sont toujours un peu obligé de pousser sur des balcons, des cours d'immeubles, des jardins, ou même carrément à l'arrache dans la rue Sainte-Foy.

 

Question dimension, la hauteur des murs doit être comprise entre 10 tefa'him et 20 coudées (entre 1 et 10 mètres, quoi). Le toit doit être fait de branchages ou de feuilles, afin de toujours laisser voir le ciel. La loi religieuse impose que la cabane soit une résidence temporaire. En théorie, il est prescrit de s'y restaurer, d'y dormir, d'y étudier, et d'y habiter pendant toute la semaine, pour montrer sa confiance en Dieu. En pratique, c'est octobre, ça caille, et il pleut souvent. Alors on s'en tient aux repas. Enfin surtout pour les hommes, qui sont seuls obligés de s'y restaurer.

 

« Les femmes n’ont pas les mêmes devoirs dans la société. Elles doivent faire à manger et s’occuper de la maison. En fait, elles sont très occupées et n'ont pas vraiment le temps de venir manger avec nous » m’apprend Rav Chlomo Ben Soussan, qui dirige une école Loubavitch pour garçons à Paris.

 

« Ah oui, et les séfarades peuvent être exemptés en cas d’intempéries ».

 

Pour une cabane made in china, la gamme de prix s’ouvre à 500 euros et la facture peut s’alourdir considérablement avec la climatisation, le toit ouvrant ou les luminaires high-tech.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La dernière idée des Loubavitch, c'est de trimballer sur un camion une cabane dans les rues de Paris. Officiellement pour aller au contact des gens qui n’ont pas les moyens d’en construire une chez eux.

Les passants s'arrêtent, grimpent sur l'escabeau et déjeunent dans la cabane après la traditionnelle cérémonie du cédrat. En gros, pour montrer son indifférence au confort matériel, on peut payer son cédrat jusqu'à 200€.

 

« Moi personnellement, je les touche à 80», me confie Rav Chlomo.

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Après, de façon plus officieuse, la soucca-mobile est aussi un moyen de réveiller la pratique dans la partie la plus modérée de la communauté. 

 

Pour ce qui est des familles les plus aisées, elles installent direct une cabane sur leur balcon. J'ai donc essayé de me faire inviter chez l'une d'elle. À la synagogue du quartier juif dans le 19e, on me tend une kippa et on me fait comprendre qu’il faudra la porter sur place lors des cérémonies. « Par contre, pas question de photographier pendant la fête sacrée », nous précise le rabbin. Merde. C'est vrai. Les juifs fondamentalistes interdisent de porter des artefacts modernes pendant les célébrations. Pas de micro-ondes, pas de clé, pas de caméra.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Y a pas mal de trucs avec lesquels les Loubavitch ne déconnent pas. Ils appliquent par exemple à la lettre les règles de la pureté familiale. On parle d'une abstinence TOTALE (pas de sexe, pas de contact, pas de lit conjugal) pendant 15 jours par mois, afin de respecter les périodes menstruelles – qu’ils appellent « périodes d'interruption de pureté ».

 

Voici notamment ce qu'on peut apprendre sur leur site :

« A partir du cinquième jour des règles, la femme doit procéder à un examen interne. Il lui faudra tout d'abord se laver soigneusement la région corporelle intéressée, puis prendre un morceau de tissu blanc et souple, l'entourer autour du doigt et l'introduire en elle le plus profondément possible. Il faudra ensuite le tourner dans tous les sens, puis le retirer et l'examiner à la lumière du jour pour voir s'il est entièrement propre, dépourvu de toute trace de sang. »

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Ils ont quand même des petites astuces pour contourner les lois divines quand elles deviennent trop contraignantes :

« Par exemple, on accroche nos clefs à des anneaux sur la ceinture, comme ça elles ne sont pas en contact direct avec nous ! » me confesse Rav Chlomo.

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Du coup je pousse plus loin dans le 19ème, autour du métro Ourq, où la communauté Loubavitch est aussi fortement représentée. Là-bas, je croise un type en tenue traditionnelle, qui sort juste de son local, Alon Abitboul, auprès de qui je tente de me faire inviter. Sympa, il rouvre son local pour moi et insiste pour me faire une petite bar-mitsvah express avant toute chose. J'ai le droit à la complète. Il me fout le « Tefillin » sur la tête, sorte de double lanière de cuir attachée à un cube noir. Le cube est sacré et contient des parchemins bibliques. Alon ligote mon bras avec sa lanière, et me dicte les prières en hébreu pour que je les répète : ça y est, j'ai enfin fait ma bar-mitsvah !

 

« Bon maintenant, je vais pouvoir t'aider »...

 

Il me recommande d'aller au repas de « Souccot » à l’école pour fille Beth Hanna située rue Petit, à deux pas d'ici. Apparemment, les règles ne sont plus aussi strictes lors des « demi-fêtes » du mercredi et du jeudi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quand j’arrive dans la cour de l’école, plusieurs centaines de personnes mangent en famille sous une cabane géante d’une cinquantaine de mètres de long, coiffé de branches de sapin. Le défilé des chapeaux s’accélère vers 21h, quand les retardataires croisent les familles déjà repues.

 

Que mangent-ils ce soir là ? Du pain d’abord. La loi religieuse leur impose de réciter la prière au-dessus de 54 grammes de pain. Pour les plats à base de céréales (pizzas, gâteaux, pâtes…), la limite est à 230 grammes… Mais ce soir, personne n’a apporté sa balance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ambiance est joviale. Les enfants vident les cannettes de coca, font la queue pour les hamburgers et retournent s’asseoir sous la cabane avec leurs parents. Les volontaires de la communauté vendent des pizzas au thon, des frites, et des hamburgers (presque) faits maison.

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Héritage de la gastronomie séfarade, les bricks au œufs font offices d’oasis dans le désert. Elles sont farcies de fromage, persil, d’œuf et d’olives vertes coupées en petits morceaux, le tout frit et assaisonné.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Certaines familles ramènent même leurs propres pizzas, et prennent plaisir à croquer dedans sous les branchages. Au fond de la cabane XXL, on rencontre les Bergstein, qui sont venus à 10 ce soir. Ils ont ramené leur tupperware de riz aux crevettes et célèbrent en famille ce repas symbolique.

Pour épancher sa soif : ils boivent du soda principalement.

En dessert, ils proposent des gâteaux aux amandes casher, du pop-corn casher et des barbes à papa casher.

 

Moi, perso j'ai touché à rien.

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